UN LONG CHEVEU DANS LE FOND DU BAIN

30 mars 2015

des échos de rires
d’engueulades
de chansons
de silences awkward
font décoller la peinture
des petits appartements de basse-ville

y’a une fille qui me ressemble
plus que je ne me ressemblais à son âge
qui me saute dans les côtes
à l’heure où je me coucherais si elle n’existait pas

l’odeur du pâté chinois
l’odeur du joint du voisin d’en haut
l’odeur de nos corps le matin
quand mon érection la réveille
en la martelant dans le bas du dos
comme un témoin de Jéhovah qui cogne
pour offrir une bonne nouvelle
qu’elle a déjà entendue 500 fois

elle me connait
trop
et elle me choisit pareil
pire
elle me re-choisit pareil
mes ronflements
ma paresse
mes coups de 808 dans le sous-sol
que je fais en pantalons de jogging
quand elle revient de travailler
ma déprime
mes jokes plates
ma bière blonde
mon levé matinal de 45 minutes
elle re-choisit tout ça
même en sachant
qu’elle choisit
un adulescent de 30 ans
qui joue comme un enfant
avec les jours qui lui sont prêtés

des preuves de notre existence
une vie
comme une manette qu’on ne trouve plus
qu’on trouve enfin
un mot révélé quand la fenêtre s’embue
un long cheveu dans le fond du bain
un morceau de spaghetti pas cuit
sur le plancher du salon
des factures d’essence
des taches sur des draps sales
une facture de test de grossesse
une facture de bouteille de vin
qu’elle ne boira jamais

une petite fille qui crie
dans le coin de la pièce
et moi dans l’autre coin
qui lit la définition exacte du mot géniteur
sur mon cell
sur wikipédia
en buvant un café pas assez chaud
trop sucré
pas assez bon
mais nécessaire

une femme que j’aime
qui marche sur nos planchers
comme si c’était des oeufs
des nuages
du magma
elle a la peau solide
dure comme le roc
douce comme le matin
chaude comme la nuit
elle a des seins qui ne mentent pas
qui me pointent comme pour m’accuser
d’avoir envie de les goûter
quand elle est trop fatiguée pour ouvrir un oeil

de la lumière qui rentre sans arrêt
des lumières bleues et rouges la nuit
une sirène qui se fait entendre
pendant que je m’endors
qui se fond dans mes rêves
de la lumière qui rentre sans arrêt
dans les craques du plancher
dans nos pores de peau
qui sort de nos yeux
de nos nez bouchés
de la lumière jaune
qu’on vomit sur le monde
qui sort de ton ventre
de ton vagin
de nos oreilles
de la lumière dans des pots Mason
qu’on vend aux pauvres
de la lumière qui rentre
sans arrêt
et qui me sort des yeux
quand je parle de nous

de la lumière qui rentre
par la porte de notre chambre entrouverte
derrière la silhouette d’une fille en pyjama
qui me regarde dormir

de la lumière
partout.